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Rénovation énergétique : travaux éligibles au doublement du déficit foncier

EXAMEN - Le législateur a doublé le plafond du déficit foncier imputable sur le revenu global (de 10.700 € à 21.400 €) pour certains travaux de rénovation énergétique payés entre 2023 et 2025 (voir notamment 25 Millions de Propriétaires, décembre 2022, page 37). Un décret du 21 avril 2023 vient de préciser quels sont les travaux concernés. 

Travaux concernés

Le décret 2023-297 du 21 avril 2023 vient de détailler les travaux pour lesquels les contribuables pourront faire valoir le doublement du déficit foncier à compter de la déclaration d’impôt de l’année prochaine. Sa rédaction, qui comprend des renvois et des exceptions, est très malaisée. Cependant, on comprend qu’il s’agit des travaux éligibles à l’éco-PTZ, y compris les dépenses éligibles à MaPrimeRénov’, mais à l’exclusion des travaux de réhabilitation de systèmes d'assainissement non collectif et des « des travaux de pose d'une chaudière à très haute performance énergétique ». Les lecteurs intéressés pourront se reporter à la documentation officielle ou contacter gratuitement un conseiller du service France Rénov’ (0 808 800 700). Il reste qu’il n’est généralement pas intéressant de faire jouer le doublement du déficit foncier.

Une fausse bonne idée

« Cadeau empoisonné », « faux coup de pouce », « attrape-nigaud », la presse ne manque pas de qualificatifs péjoratifs pour présenter le dispositif. C’est qu’on en sort le plus souvent perdant. Certes, l’année des travaux, le contribuable pourra déduire de son revenu global 21.400 € au lieu de 10.700 €, et donc payer moins d’impôt. Il y a bien ici un « coup de boost, perceptible par le bailleur dès l’année où il engage les travaux » (amendement parlementaire à l’origine de la mesure). Toutefois, le législateur a omis (sciemment ou pas) un aspect fondamental de la taxation des revenus locatifs. Depuis les années 1990 et la création de la contribution sociale généralisée (CSG), les revenus fonciers subissent non seulement l’impôt sur le revenu mais également divers « prélèvements sociaux ». Leurs taux n’ont cessé de croitre depuis trente ans pour atteindre aujourd’hui le taux global de 17,2 % ! Dès lors, à long terme, il est quasiment toujours plus intéressant d’« annuler » un revenu foncier en y imputant un déficit (on économise à la fois de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux) que d’imputer un déficit sur le revenu global (on n’économise que de l’impôt sur le revenu). L’exemple chiffré ci-après (voir encadré) permet d’illustrer notre propos.  

Un risque élevé de remise en cause de l’avantage

Rappelons que le doublement du déficit foncier n’est définitivement acquis que pour des travaux « permettant à un bien de passer d'une classe énergétique E, F ou G (…) à une classe de performance énergétique A, B, C ou D » (article 156, I, 3° du Code général des impôts).  Comme le précise le décret, cela suppose que le maître d’ouvrage puisse, sur demande, présenter à l’administration un DPE « E, F ou G (…) la veille de la réalisation des travaux » et un DPE « A, B, C ou D (…) à l'issue des travaux et (…) au plus tard le 31 décembre 2025 ». 
Lorsqu’on sait que la réalisation de travaux ne permet jamais de garantir l’atteinte d’une meilleure classe énergétique, on peut gager que de nombreux contribuables, qui auront imputé 21.400 € de travaux sur leur revenu global l’année de paiement des travaux, verront le fisc remettre en cause le doublement du déficit foncier et reconstituer rétroactivement leur revenu global avec un déficit imputable limité à 10.700 €. Ceci dit, ce n’est pas un drame, puisque nous venons de voir qu’il est quasiment toujours plus intéressant de déduire des travaux sur les revenus fonciers que sur le revenu global…

Exemple chiffré


Prenons l’exemple simple d’un propriétaire percevant 20.000 € de loyer annuel et dont le taux marginal d’imposition à l’impôt sur le revenu est de 30 %. 
D’habitude, il paye 20.000 x 30 %, soit 6.000 d’impôt sur le revenu (ci-après IR), et 
20.000 x 17,2 %, soit 3.440 € de prélèvements sociaux (ci-après PS), soit 9.440 € au total. 
Imaginons qu’il réalise l’année N des travaux de rénovation énergétique déductibles d’un montant de 40.000 €. Dans le cadre de l’impôt sur les revenus de l’année N, ce propriétaire pourra faire valoir un déficit foncier de 20.000 - 40.000, soit 20.000 €. 
Rappelons enfin le mécanisme du déficit foncier : tout déficit foncier (hors intérêts d’emprunt) s’impute sur le revenu global de l’année de paiement des travaux dans une certaine limite (10.700 € dans le cas général, 21.400 € à l’avenir pour les travaux de rénovation énergétique), le reste du déficit non imputé n’étant reportable que sur les revenus fonciers des dix années suivantes (article 156, I, 3° du Code général des impôts).

S’il impute 10.700 € (limite actuelle) sur son revenu global…. 
  • Concernant l’année N, il économisera 9.440 € d’IR et de PS (puisqu’il a un résultat foncier négatif), mais aussi 10.700 x 30 %, soit 3.210 € d’IR (puisqu’il impute 10.700 € sur son revenu global). 
  • Concernant l’année N+1, il pourra encore imputer son déficit restant (20.000 – 10.700, soit 9.300 €) sur son revenu foncier. Son résultat foncier s’élèvera donc à 20.000 – 9.300 €, soit 10.700 €. Il devra donc 10.700 x 30 %, soit 2.140 € d’IR, ainsi que 10.700 x 17,2 %, soit 1.840 € de PS, soit 3.980 € au total. Par rapport à une année normale, il économisera quand même 9.440 – 3.980, soit 5.460 €. 
▶ En deux ans, l’économie totale d’IR et de PS (9.440 + 3.210 + 5.460) s’élèvera donc à 18.110 €
S’il impute 20.000 € (la limite du déficit imputable est portée à 21.400) sur son revenu global…. 
  • Concernant l’année N, il économisera 9.440 € d’IR et de PS (puisqu’il a un résultat foncier négatif), mais aussi 20.000 x 30 %, soit 6.000 € d’IR (puisqu’il impute 20.000 € sur son revenu global). 
  • Concernant l’année N+1, il n’a plus de déficit à imputer sur son revenu foncier. Comme d’habitude, il devra donc 9.940 € d’IR et de PS. 
▶ En deux ans, l’économie totale d’IR et de PS (9.440 + 6.000) s’élèvera à 15.440 €.
Conclusion : en imputant 20.000 € sur son revenu global, notre propriétaire a sensiblement fait baisser son impôt l’année N, beaucoup plus que s’il n’avait imputé que 10.700 €. Cependant, en deux ans, le gain sera moindre, il aura payé plus d’impôt. 
À noter : La perte de gain fiscal peut être encore plus forte lorsque par exemple on est taxé à la tranche à 11 % ou lorsqu’on bénéficie déjà d’une réduction d’impôt Loc’Avantages associée à une subvention Anah pour des travaux. En cumulant les remises, le risque est de ne plus avoir du tout d’impôt à payer la première année et qu’une partie du déficit soit définitivement perdue. Rappelons ici qu’au cas où la réduction est supérieure au montant de l’impôt dû, il ne peut y avoir de remboursement (contrairement à un crédit d’impôt). 
D’après les commentateurs, ce n’est que dans de rares hypothèses que le doublement du déficit foncier peut être intéressant : imputation d’un déficit dans le but d’atteindre la décote sur les faibles revenus, perspective d’une baisse de la tranche d’imposition avant une cessation d’activité par exemple, ou encore si les perspectives futures de revenus fonciers font craindre que dix années ne seront pas suffisantes pour éponger tout le déficit … 
Par Frédéric Zumbiehl, juriste à l'UNPI

Source : 25 millions de propriétaires et vous • N°574 ; juin 2023

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